“Le bar de l’Espoungue”

Un roman qui nous ouvre les portes de l’étang de l’Or, où tout se mélange : coup de gueule, sentiments, misère et passion.

Brin de poésie, pastis et rigolades…

Publié en 1994 – Editions Arts Mania.

Epuisé

CHAPITRE I

On ne peut pas situer le Bar de L’Espoungue ! Personne ne le connaît, sauf les habitués, qui eux, n’en parlent pas, car eux-mêmes vivent camouflés dans les roseaux et n’en sortent qu’une fois par an : Le jour de la fête ! Et la fête de cette année est proche, une question d’heures. Ce n’est pas une affaire de mois, ni de jours, comme pour le petit de Madame Galina, qui n’a pas encore un an et demi, mais qui a un tas de mois, et tous les jours un jour supplémentaire. C’est tout juste si on ne compte pas les minutes de ce merveilleux rejeton, dont tout le monde se fiche, d’ailleurs ! Ce qui compte aujourd’hui, pour les habitants du marécage, c’est sa commémoration prochaine, et ce qu’ils vont pouvoir se mettre sous la dent, et surtout pas ce que pourrait sucer la gencive neuve du petit de la Galina ! Il fait beau… C’est le principal ! Et L’Espoungue est à l’ombre, cachée derrière un tamaris géant qui protège le nid de tous les amis de cet ancien monde. Un univers où la caméra d’Ushuaia ne viendra pas se coincer la manivelle, et où le rafiot du Capitaine Cousteau n’échouera jamais. L’Espoungue c’est un coup de gomme sur les cartes d’Etat Major, un oubli volontaire des guides Michelin ! Ici, la vie est différente, l’air n’est pas le même… On est sur un bout d’horizon, qui se termine en presqu’île et qui s’étire entre une rivière et des étangs. Il flotte ici quelque chose d’italien, comme à Venise, mais les canaux s’appellent des roubines. La seule place, (et qui n’est pas Saint Marc ! ) finit en cul-de-sac. Le pont des soupirs existe aussi : C’est un trait tiré en arrondi entre deux rives ennemies, ou presque, comme partout, la droite et la gauche ! Et l’une ne vaut pas l’autre ! Comme dirait le retraité O’Flambo, le papa de Bernadette, qui, lui est toujours resté à côté du centre comme ses idées… Idées qui n’ont jamais passé le pont, vu qu’il s’appelle : Le Pont de la Confiance.

CHAPITRE II

Penelope et Ulysse, c’est une belle histoire… A la base, ils s’appelaient Madame et Monsieur Clément, mais nul ne s’en rappelle aujourd’hui, car ici le surnom courant familier est un label. Par exemple : le serrurier des trois canalettes se nomme “Double-Tour” et sa femme “Clé-Clé”. Il y a quelques années, quand le camion de la supérette venait jusqu’ici, chaque mercredi matin, eh bien, l’épicier, pour tout le monde, c’était : Le Père Lafougasse, car il vendait beaucoup de petits feuilletés aux grattons. Lorsque le maçon “Brique-Molle” a laissé l’atelier en héritage à son petit cadet, tout le monde a appelé celui-ci “Brique en Kit”. Bref, si la couleur de l’étiquette ne fait pas tout à fait un blason, le sobriquet est tout de même un bon moyen pour se reconnaître, et savoir de qui on cause ! (Au fait, le petit de la GALINA s’appelle Roger, mais on l’a baptisé Ratapenade). Ici, Ulysse et Penelope, c’est comme on dit : mer et soleil… bonne et santé… Cul et chemise… deux doigts de main… c’est… C’est une légende ! Et plus connue que celle de Maguelone, car eux n’ont pas eu besoin d’une cathédrale comme logis-confort. Ils vivent dans un mobile-home, à quelques pas de la décharge, c’est tellement plus pratique pour brûler les souvenirs encombrants. Ils sont donc les seuls à n’avoir aucune rancœur lorsqu’ils posent ensemble leurs capetchaïres. Ils ne marinent pas dans la tristesse et se remplissent de poissons de lune… De plus, leurs capetchaïres restent toujours presque neufs, car Penelope, tous les matins les remet au goût du jour, de ses doigts de brodeuse, pendant qu’Ulysse trie en sifflotant le butin nocturne.
Ulysse, c’est une force de la nature, au tempérament enjoué. Il faut dire qu’il s’est longtemps appelé Géo du Monoï, au Club : Il était aussi boute-en-train, que broute en tout. Il était toujours premier en over-arm-stroke, au V.T.T., et au 421.