Biographie d’un enfant de 10 ans dans les années 50.
Tous les amis de la Place du Marché, toutes les remarques sur ce passé d’après guerre…
Un roman ? Non !
Un réalisme cru, vu par un gosse entre les belles allées d’Etigny, fleuron de l’aristocratie Luchonnaise et le Pountet, check point entre deux mondes…
Publié en 2010 – 140 pages.
Disponible – Edition PJGM
Extrait :
Préface 1957…
Qu’elles étaient somptueuses, les grandes Allées du Baron d’Etigny ! Les “Belles Américaines” se suivaient à la queue leu-leu, garées de chaque côté sous de luxuriants tilleuls. Les Palaces rivalisaient de prestige. Derrière les immenses glaces du Grand Hôtel d’Angleterre les maîtres d’hôtel en livrée, col rapporté, parfaitement amidonné, noeud papillon et queue de pie, faisaient le pied de grue. En face, le “Poste et Golf” couvait jalousement son cabaret “in”, La Rotonde, véritable temple du jazz, où le quintet de Charles Barrier accueillait tous les Grands : Guy Laffite, Bill Colleman, Benny Vasseur et André Paquinet, Barbara Lémon, et autres. Les lieux étaient re-décorés chaque quinzaine par le grand artiste Maurice Boy, à qui l’on doit notamment le magnifique sanglier qui monte la garde au “Bois Chantant” et l’inquiétant dragon vert qui crache son feu sur le grand mur du Sauna-Vaporarium.
Plus haut, le “Sacaron” recevait tout ce qui restait de noblesse et les nouveaux riches, pour la plupart venus d’Afrique du Nord où la guerre ne s’était encore totalement installée. Et le soir tout ce beau monde se retrouvait autour des tapis verts du Casino, un casino où les soirées et les thés dansants se succédaient dans la plus parfaite insouciance des années de l’après guerre. A la sortie du Casino, “Le Pyrénées Palace” était entouré de magnifiques palmiers -comme là-bas- ce qui pourtant ne l’avait pas empêché de mettre un genou à terre. Il fut un des premiers des grands hôtels à se vendre en petits morceaux à cette clientèle nantie qui fréquentait Luchon. En remontant, la rue Sylvie déballait tout son luxe. Les fourrures de Kopetski côtoyaient les fourrures Mercier. Le célèbre coiffeur toulousain Queralto y prenait ses quartiers d’été. La bijouterie Locré étalait ses colliers de perles et de diamants, un parfumeur parisien “descendait” les dernières créations de la capitale. Et puis, il y avait le “Pountet”, “check point” entre deux mondes. Si hors saison estivale, le “Pountet” cœur de Luchon, parfaitement ensoleillé, était le lieu de prédilection de nombre de luchonnais qui venaient y faire causette, ceux-ci le délaissaient aux premières rumeurs des vacances pour se réunir sous les marronniers de la place du marché, près de la “Rue De L’étoile” 1957…
La rue de l’Etoile, truffée de nids de poule, engoncée entre deux rigoles qui glougloutaient de jour comme de nuit avait été re-baptisée après la Libération. On lui avait retiré son nom de “rue de la Liberté” tant elle était désuète, au bénéfice d’une artère plus importante. Un nouveau nom s’avérait nécessaire, surtout pour le facteur. Il n’était pas évident, pour une ruelle qui ne voyait jamais le soleil. On l’appela donc “rue de l’Etoile”, ce qui avait le mérite de lui donner un peu de clarté. Cette rue de l’Etoile est pour Jacques Sourth tout un symbole. Elle est le reflet d’un quartier qui, à cette époque baignait dans la misère. La Guerre était terminée depuis plus d’une décennie, mais le démarrage économique, hormis en saison estivale, n’avait pas encore investi les hautes vallées pyrénéennes. On vivait chichement, tassés dans de minuscules appartements, sans aucun confort, avec une électricité rudimentaire, souvent sans eau courante. On allait chercher l’eau à la fontaine, dont chaque rue était dotée, fontaines qui étaient méticuleusement entretenues par les services municipaux, sous les ordres d’un “chef fontenier”, poste de notable aujourd’hui disparu. Les foyers qui possédaient un poste de TSF étaient des nantis. Les familles n’avaient plus de nom, que des sobriquets, comme si associer son patronyme au dénuement pouvait avoir quelque chose de déshonorant.
Dans quelques-unes de ces familles on mangeait peu, mais on buvait plus que de raison, de ce rouge des bas coteaux du Languedoc, bon marché mais un peu acide. La misère est en fait un état dont on s’accommode fort bien dès lors que l’on n’a pas de comparatifs, ou alors que ces comparatifs sont si éloignés pour pouvoir être accessibles, que l’on n’y songe même pas.
C’est dans cette ambiance que le petit Jacques a passé sa plus tendre enfance.
Véritable “Titi” luchonnais l’oreille toujours en coin, l’œil souvent rivé au trou de la serrure. Adulte, il a rassemblé tous ses souvenirs dans un shaker, l’a fortement agité, pour les retirer un à un, au fil de son humeur. Cela donne un récit qui peut sembler décousu,mais qui est le reflet de ses états d’âme d’enfant. Si une grande sensibilité est toujours présente, on trouve parfois du désarroi et une grande souffrance dans des propos qui peuvent frôler une certaine indécence. Mais un enfant en souffrance, peut-il connaître l’indécence ?
Les “Cosettes” décrites ont un parfum Hugolien, on retrouve également dans ses descriptions des atmosphères Balzaciennes, pour à leur paroxysme, plonger dans un univers Kafkaïen.
Les portraits souvent truculents qu’il esquisse ne sont pas sans rappeler ceux de La Bruyère, et dénotent le grand sens pictural qui a forgé l’artiste peintre. Et, dès qu’il eut mis un point final a ses réminiscences enfantines, Jacques Sourth s’est fondu dans ses souvenirs… Il avait rendez-vous avec son Etoile.
Bavencove René Auteur – Journaliste
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Je me suis toujours senti plus proche de ma mère, avec un grand-père ténor qui chantait dans les Églises, et que l’on a même fait monter à Paris pour chanter La Traviata, et le Trouvère, pour l’inauguration de la Tour Effel.
Un ténor qui avait aussi un frère typographe, Victor, celui qui avait un “coup de patte” inouï, et qui savait faire danser les couleurs. Ce qui n’a pas empêché le reste de la famille de le laisser crever la bouche ouverte, parce que c’était un vagabond, qui avait vécu avec le premier chausson d’Amérique. Il avait mal tourné, soit disant en regardant son Angélique faire les pointes ! C’est ce que m’avait dit ma tante Berthe, celle qui était, de son temps, la terreur du conseil municipal, et dont le mari avait sauvé de la noyade le petit Loulou, le fils d’Eugénie de Monti Jo, et de Napoléon.
Mon oncle Paul, que je ne voulais pas embrasser parce qu’il avait une grosse moustache qui piquait autant que les chardons de l’hospice de France, était un petit bout d’homme, que Berthe appelait son “Mirgail1“, et qui passait son temps à fabriquer des maquettes d’escaliers en colimaçon, qui lui rappelaient qu’il avait été ébéniste dans sa jeunesse…
- Mirgail : petit bout de n’importe quoi. ↩